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projet "Gutenberg" . eBook :: Le féminisme français I
par:"Charles Turgeon (1902) Rennes"
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«Comment? La Française est à refaire?»--Il paraît: ces dames l'affirment. Que l'on reconnaît bien à cet aveu l'admirable modestie des femmes! Là-dessus, pourtant, les hommes auraient tort de triompher trop vite. Si, en effet, l'Ève moderne est affligée d'une douloureuse insuffisance, il n'y a point de doute que la faute, toute la faute, en incombe à son souverain maître. Ignorante, esclave et martyre, voilà ce que les hommes l'ont faite par une pression assujettissante habilement prolongée de siècle en siècle. Cette iniquité a trop duré. Il n'est que temps d'affranchir, de relever, d'illuminer, de magnifier la femme, fallût-il, pour atteindre cet idéal, refaire les codes, violenter les moeurs et retoucher la création. L'«Ève nouvelle», qu'il s'agit de donner au monde, sera l'égale de l'homme et, comme telle, intelligente, fière, cultivée, libre et heureuse, parée de toutes les grâces de l'esprit et de toutes les qualités du coeur,--une perfection.
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Et donc, les temps sont venus d'une ascension vers la lumière, vers la puissance et la liberté. Enfin l'esclave se redresse devant son maître, réclamant une égale place au soleil de la science et au banquet de la vie. Depuis trop longtemps, la femme est écrasée par la prépondérance masculine dans tous les domaines où son activité brûle de s'étendre et de s'épanouir.
1º Elle souffre d'une infériorité intellectuelle; car les jeunes filles ne sont pas aussi complètement initiées que les jeunes gens aux choses de la vie et aux clartés du savoir.
2º Elle souffre d'une infériorité pédagogique, parce que l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, et les carrières qui leur servent de débouchés, sont d'un accès plus difficile pour elle que pour l'homme.
3º Elle souffre d'une infériorité économique, puisque le travail de la femme n'est nulle part aussi libre et aussi rémunérateur que le travail masculin.
4º Elle souffre d'une infériorité électorale, parce que, citoyenne ayant les mêmes intérêts que le citoyen à l'ordre politique et à la prospérité publique, elle n'a pas le droit de faire entendre sa voix dans les conseils de la nation.
5º Elle souffre d'une infériorité civile, puisque la capacité de la femme mariée est étroitement subordonnée à l'autorisation maritale.
6º Elle souffre d'une infériorité conjugale, l'épouse étant, depuis des siècles, assujettie par le mariage légal et religieux à la domination souveraine de l'époux.
7º Elle souffre enfin d'une infériorité maternelle, si l'on songe que les enfants qu'elle donne au pays sont soumis à la puissance du père avant d'être soumis à la sienne.
Toutes ces inégalités, la «femme nouvelle» les tient pour injustifiables. C'était pour nos pères une vérité passée en proverbe que «la poule ne doit point chanter devant le coq.» Et voici que l'aimable volatile jette un cri de guerre et de défi à son seigneur et maître; et le poulailler en est tout ému et révolutionné! Pour parler moins irrévérencieusement, il appartient à notre époque de faire une «femme meilleure», une «sainte nouvelle». Et ce chef-d'oeuvre accompli, lorsque les conquêtes de la femme seront achevées et les privilèges de l'homme abolis, «ce jour-là, toute la société, sans miracle, sera subitement transformée--et je veux croire--régénérée.» Et à cet acte de foi, le fervent écrivain que nous venons de citer, et dont l'oeuvre résume avec magnificence toutes les ambitions du féminisme, ajoute un acte d'ineffable espérance: «Des merveilles sont réservées aux siècles futurs, qui connaîtront seuls la splendeur complète d'une âme de femme.»*
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*Jules Bois, La Femme nouvelle. Revue encyclopédique du 28 novembre 1890
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Victor Hugo 1853 : «Le XVIIe siècle a proclamé les Droits de l'homme, le XIXe siècle proclamera les Droits de la femme.»
Ibsen : «La révolution sociale qui se prépare en Europe gît principalement dans l'avenir de la femme et de l'ouvrier.»